La
NASA a sélectionné líastronaute français
du CNES Philippe PERRIN pour participer en mars 2002
à la mission STS-111 de la navette spatiale.
Philippe PERRIN, qui est ici présent en direct
avec nous et que je tiens tout de suite à féliciter
très chaleureusement, vous parlera plus complètement
du contenu de cette mission qui fait partie du programme
díassemblage de la Station spatiale internationale.
La
Station spatiale internationale
Comme
vous le savez, des étapes décisives
ont été franchies au cours des derniers
mois dans ce programme de la Station spatiale internationale
depuis que le module russe Zvesda ("étoile")
est venu rejoindre avec succès en juillet dernier,
le module américain Unity, qui fait office
de núud de jonction, et le module russe Zarya ("aube")
qui avaient été lancés en 1998.
La Station, qui dispose désormais de ses panneaux
solaires, est occupée en permanence depuis
le mois de novembre par deux Russes, Iouri GUIDZENKO
et Sergueï KRIKALIOV, et un Américain
William SHEPERD, qui constituent la mission "Expedition
One".
Une
nouvelle étape importante a été
franchie avant-hier avec líadjonction du module américain
de recherche Destiny, qui fait de la Station spatiale
internationale le plus grand complexe orbital jamais
assemblé dans líespace avec 51 mètres
de long, 72 mètres de large et 27 mètres
de haut pour une masse de 112 tonnes et un espace
habitable de 414 mètres cube ce qui représente
un volume supérieur à celui de la station
MIR.
Il
faudra encore une quarantaine de vols de fusées
russes et de navettes spatiales américaines
díici 2006 pour finir líassemblage de la Station.
Le vol du premier ATV, le véhicule de transfert
automatique européen et la mise en place du
laboratoire européen Colombus sont attendus
à líhorizon 2004.
La
mission UF-2
La
mission UF-2 à laquelle participera Philippe
PERRIN aura pour objet díune part, díemmener à
bord de la Station un nouvel exemplaire du MPLM, module
logistique réalisé par líItalie, et
díautre part de mettre en place le MBS (Mobile Base
System) qui est líunité mobile télécommandée
qui permettra au bras télémanipulateur
de la Station fourni par le Canada de se déplacer
tout autour de la Station. Ce télémanipulateur
est un bras évolué de 17 mètres
de long doté díune main, permettant díeffectuer
des travaux de précision sur les éléments
extérieurs les plus délicats. Il jouera
un rôle essentiel pour líassemblage, líentretien
et la réparation de la Station et réduira
le nombre de sorties dans líespace des astronautes,
qui sont des phases toujours délicates.
Il
síagit donc díune mission essentielle pour le bon
déroulement de líassemblage de la Station,
pour laquelle la NASA a décidé de sélectionner
Philippe PERRIN.
Le
choix de Philippe PERRIN
Cette
excellente nouvelle, qui sera officialisée
aujourdíhui par la NASA mía été confirmée,
il y a quelques jours par son administrateur général
Daniel GOLDIN.
Je
me suis entretenu à plusieurs reprises de cette
opportunité de vol avec Daniel GOLDIN, díabord
au cours díune rencontre à Paris au ministère
de la recherche le 26 août, ensuite au cours
de plusieurs entretiens téléphoniques.
Je tiens à le remercier tout particulièrement
pour ce choix díun astronaute français.
Cette
décision résulte díabord bien évidemment
des qualités propres de Philippe PERRIN qui
síentraîne à Houston, au Johnson Space
Center de la NASA depuis 1996. Elle est aussi liée
aux compétences de líensemble de nos astronautes,
auxquels je tiens à rendre hommage ici, qui
ont toujours remarquablement accompli toutes les missions
qui leur ont été confiées par
la NASA ou líAgence spatiale russe ROSAVIACOSMOS.
Je
rappelerai en particulier le vol consacré fin
1999 à la réparation et à líamélioration
du télescope spatial HUBBLE de la NASA, qui
était devenu inutilisable à la suite
díune panne de gyroscope à bord du satellite.
Le succès de cette mission, au cours de laquelle
le Français Jean-François CLERVOY síest
illustré, permet aux centaines de scientifiques
qui travaillent sur les données recueillies
à partir de cet instrument, qui marquera líhistoire
de líastronomie, de poursuivre leurs travaux.
Ce
choix témoigne aussi des relations de confiance
qui existent entre les équipes de la NASA et
celles du CNES. Jíai pu en effet constater, au cours
de mes différents entretiens avec líadministrateur
général de la NASA ou lorsque nous avons
accueilli à Paris des membres du Congrès
américain, les effets très positifs
et le succès des coopérations entre
le CNES et la NASA, quíil síagisse du satellite díocéanographie
TOPEX-POSEIDON et de son successeur JASON ou des travaux
en cours sur la mission de Retour díéchantillons
martiens.
Cette
même relation de confiance existe avec líAgence
spatiale russe avec laquelle le CNES coopère
depuis les débuts de la conquête spatiale
et dont il a été le premier partenaire
occidental. Je tiens très sincèrement
à féliciter tous les agents du CNES
qui contribuent à faire de leur établissement
un partenaire reconnu et apprécié des
plus grands acteurs du spatial.
Depuis
son origine, la politique spatiale française
est résolument tournée vers líEurope.
Le succès du lanceur Ariane repose sur líensemble
des compétences des industriels européens
et sur le soutien sans faille des Etats-membres de
líAgence spatiale européenne.
Le
CNES est aujourdíhui le premier contributeur de líESA.
Il consacre environ la moitié de ses budgets
aux programmes de líAgence. Comme vous le savez la
France mène en parallèle un programme
national qui permet de conduire des initiatives ne
pouvant trouver leur place au sein de líESA. Le programme
Pléiades Cosmo-Skymed de satellites díobservation
de la Terre à usage civil et militaire qui
vient díêtre lancé en partenariat avec
líItalie en est un exemple.
Il
est essentiel que des coopérations dans le
domaine spatial soient également conduites
au delà de líEurope, avec líInde ou le Japon
mais aussi bien sûr avec les Américains
et les Russes. La coopération dans le domaine
spatial constitue díailleurs souvent un axe important
de notre politique de coopération scientifique
et est souvent considérée comme prioritaire
par nos partenaires.
La
mission de Claudie ANDRE-DESHAYS
Je
me félicite donc de líaccord conclu en décembre
dernier avec la Russie, à la suite díune rencontre
que jíai eu à Paris le 18 décembre avec
mon collègue russe, le ministre DONDOUKOV.
Cet accord permettra à Claudie ANDRE-DESHAYS,
que je salue également très chaleureusement,
de rejoindre la Station spatiale internationale dès
le mois díoctobre 2001 pour un vol de relève
díune dizaine de jours.
Cette
mission permettra la réalisation díexpérimentations
scientifiques et technologiques :
-
dans
le domaine des sciences de la vie, en préfiguration
de líinstrument de suivi médical des
astronautes qui sera utilisé de façon
opérationnelle sur le segment russe de
la station à partir de 2003 ; -
sur
le plan technologique avec líexpérience
SPICA, qui permettra de tester en ambiance spatiale
le comportement des composants de dernières
générations (mémoires de
vol et microprocesseurs) ; -
dans
le domaine de líobservation de la Terre avec
la réalisation de prises de vue de différents
phénomènes ; un des objectifs
de ces expériences est de préciser
la faisabilité et líintérêt
díune mission micro-satellite actuellement à
líétude, dont líobjectif serait díidentifier
les mécanismes du couplage atmosphère-ionosphère-magnétosphère
au dessus des orages atmosphériques.
Ce
vol permettra en outre la mise en place de coopérations
entre les équipes du CNES, qui sont impliquées
dans le contrôle du véhicule de transfert
ATV qui est une contribution importante de líEurope
à la Station spatiale internationale, et les
équipes du TSOUP, le Centre de contrôle
des vols russes à Moscou pour répéter
les opérations de rendez-vous en orbite et
díamarrage à la station díun véhicule
orbital.
Les
14ème et 15ème
missions díastronautes français
La
France a réalisé son premier vol habité
en 1982 avec Jean-Loup CHRETIEN à bord de la
station russe SALIOUT 7. Douze autres missions ont
été réalisées depuis ,
six avec les Russes à bord de la station MIR
et six à bord des navettes spatiales américaines.
En moyenne, un astronaute français effectue
un vol environ tous les dix-huit mois. Líannée
1999 a été particulièrement riche
avec deux vols dont un de longue durée pour
Jean-Pierre HAIGNERE qui a réalisé le
plus long vol dans líespace díun spationaute non russe
à bord de la station MIR.
Ces
différentes missions ont permis aux équipes
du CNES de se spécialiser dans tous les domaines
de la préparation puis de la réalisation
díun vol spatial habité de courte ou longue
durée. Ces expérimentations ont également
permis la création díune communauté
scientifique remarquable dans le domaine de la micro-gravité
et aussi de la médecine et de la biologie spatiale.
Líutilité
des vols habités
Je
sais que la question de líHomme dans líespace fait
líobjet de discussions parfois passionnées.
Sans entrer moi-même dans ce débat qui
tourne parfois à la polémique, jíestime
que les expérimentations humaines dans líespace
doivent avoir une place dans toute politique spatiale
et être considérées sur le long
terme.
Il
faut se garder díouvrir une controverse théologique
entre vols habités et vols automatiques. Les
uns et les autres ont leur utilité et líévolution
des technologies, tant dans le domaine du transport
spatial que des charges utiles díexpérimentations
ou díanalyse in situ, ne peut que renforcer dans les
décennies à venir la complémentarité
qui existe déjà aujourdíhui entre les
vols habités et les vols automatiques.
Sur
le plan scientifique, les vols habités permettent
non seulement de réaliser des expériences
en micro-gravité, mais aussi de fournir des
informations sur le système cardio-vasculaire
et sur les physiologies neurosensorielle, osseuse
et musculaire. Claudie ANDRE-DESHAYS, qui est de surcroît
médecin, pourra revenir de façon beaucoup
plus complète sur ces différents points.
Les
travaux effectués plus généralement
dans le domaine de la micro-gravité visent
à comprendre le rôle de la gravité
et de son absence dans la croissance et la structuration
de la matière. Ils síinscrivent dans la démarche
générale de la science qui est díaccroître
nos connaissances.
La
conquête de la Lune a également eu des
retombées scientifiques majeures, nous apprenant
tout simplement comment les planètes se sont
formées. Bien sûr il est également
possible díexplorer les autres planètes par
des sondes automatiques et même díen ramener
des échantillons. Cíest la voie que nous envisageons
aujourdíhui pour líexploration de Mars. Mais il y
a dans ce domaine complémentarité entre
les vols habités et les vols automatiques,
la faculté de jugement et díanalyse de líHomme,
sa capacité díadaptation et díimprovisation
et sa capacité de décision en temps
réel font quíil est encore aujourdíhui difficile
de le remplacer totalement par des automates.
Comme
vous le savez les Etats-Unis envisagent de plus en
plus sérieusement díenvoyer líhomme sur Mars,
et la Station spatiale internationale qui permettra
díexpérimenter sur de très longues durées
le comportement de líHomme dans líespace, est souvent
considérée comme une étape en
vue de cet objectif. Il est certes prématuré
de fixer la date díune telle aventure, mais Mars constituera
vraisemblablement la nouvelle frontière de
líhumanité au cours du XXIème
siècle.
De
telles expéditions, car cíest le bien le terme
qui convient, ont naturellement une forte capacité
de mobilisation de nos ingénieurs, par les
prouesses technologiques quíelles nécessitent,
et du grand public. Cíest une caractéristique
plus générale des vols habités
que je tiens également à souligner.
Ceux-ci
constituent un formidable outil pédagogique
pour líéveil de la jeunesse aux sciences et
pour la culture scientifique et technique du plus
grand nombre. Dans ce domaine, nos astronautes, le
CNES et líAgence spatiale européenne ont su
faire partager leur enthousiasme aux jeunes comme
aux moins jeunes.
Les
vols habités sont ainsi au cúur de la conquête
spatiale depuis ses origines et les deux plus grandes
puissances spatiales, les Etats-Unis et la Russie,
continuent díen faire la priorité de leur politique
spatiale civile. La Chine qui sera sans doute une
puissance spatiale majeure au siècle prochain
en fait également aujourdíhui une de ses priorités.
La
France síest engagée durablement avec líEurope
dans les vols habités en décidant de
participer au programme de Station spatiale internationale
lors du Conseil de líESA de Toulouse en 1995. Le CNES
consacrera en moyenne 1 milliards de francs par
an à ce programme sur 2001-2004.
Ces
montants sont élevés, même si
díautres pays comme les Etats-Unis ou líAllemagne
consacrent une part beaucoup plus importante de leur
budget spatial aux vols habités. Aussi, même
si la France respectera ses engagements, je serai
attentif à ce que le programme de la Station
spatiale internationale, tout comme son coût
díexploitation, reste à líintérieur
des enveloppes définies en 1995 à Toulouse.
Cette
décision a été confirmée
en 1998 par la signature de líaccord intergouvernemental
relatif à la Station spatiale internationale.
Ce programme a connu díimportants succès au
cours de líannée 2000, et il est désormais
probable que la Station, qui est désormais
habitée en permanence, sera pleinement opérationnelle
à líhorizon 2005.
Je
souhaite donc aujourdíhui que nous nous préparions
à utiliser et à valoriser cette grande
infrastructure publique et que nos scientifiques et
nos industriels se mobilisent pour le développement
de ses utilisations. Cette mobilisation passe également
par le maintien et le développement des compétences
de nos astronautes.
Cíest
la raison pour laquelle nous avons travaillé
activement avec le CNES en liaison avec líAgence spatiale
européenne pour leur offrir de nouvelles opportunités
de vol, dans líattente de celles qui viendront pendant
la phase díexploitation de la Station à líhorizon
2005. Il était difficilement envisageable quíaucun
vol ne soit réalisé pendant la période
où notre effort budgétaire en faveur
des vols habités est maximal, alors que nous
en réalisons régulièrement depuis
bientôt vingt ans.
Le
vol de Claudie ANDRE-DESHAYS dès 2001 permettra
aux astronautes français de gagner 4 ans sur
le calendrier initialement prévu, et sera suivi
du vol de Philippe PERRIN en mars 2002.
Je me félicite donc des résultats atteints
dans ce domaine et dont le caractère visible
ne doit pas éclipser ceux atteints depuis mars
2000 dans le domaine spatial : le lancement en
coopération européenne du programme
Pléiades dans le domaine de líobservation de
la terre ou du satellite scientifique COROT, líadoption
sous présidence française en novembre
2000 díune stratégie spatiale européenne
commune entre líESA et líUnion.
Nous
avons également franchi une étape importante
dans le domaine des lanceurs avec le retour de líItalie
dans les programmes Ariane 5 et le lancement du démonstrateur
technologique P80 qui vise à améliorer
la compétitivité de la filière
Ariane.
Líannée
2001 síannonce tout aussi importante avec le lancement
attendu du programme Galiléo de positionnement
et de datation par satellites et la mise en úuvre
des premières mesures à prendre dans
le cadre de líinitiative GMES lancée au niveau
communautaire pour la surveillance et la protection
de líenvironnement. Elle sera marquée par un
Conseil de líESA au niveau ministériel qui
devra prendre des décisions essentielles notamment
dans le domaine des lanceurs.
Avant
de laisser la parole à Claudie ANDRE-DESHAYS
et à Philippe PERRIN je souhaite leur renouveler
toutes mes félicitations et je tiens à
les remercier díêtre en direct avec nous. Je
suis particulièrement heureux pour Philippe
PERRIN que jíai eu líoccasion de rencontrer à
Paris le 28 novembre dernier et dont ce sera le premier
vol.
Ancien
élève de líEcole Polytechnique, il appartient
à la promotion 1982. Il a franchi brillamment
les différentes étapes de la formation
des pilotes de líarmée de líair et est diplômé
de la prestigieuse Ecole des Equipages díEssais díIstres,
líEPNER. Il a notamment volé sur Mirage F1CR
et a été en charge du développement
du MIRAGE 2000-5 en tant que Chef Pilote díEssais
adjoint sur la base de Brétigny. Il a effectué
26 missions de combat au service des forces aériennes
françaises et totalise 2500 heures de vol sur
plus de 30 types díappareils, qui vont de líavion
de chasse à líAirbus.
Cíest
donc presque naturellement quíil síest tourné
vers le vol spatial en 1996 date à laquelle
il a été sélectionné comme
astronaute du CNES, puis a rejoint la NASA pour y
suivre avec succès la formation díun " spécialiste
mission ".
Philippe
PERRIN est aujourdíhui le dernier astronaute du CNES,
mais je ne doute pas quíil pourra rejoindre le corps
des astronautes de líESA dont Claudie ANDRE-DESHAYS
fait déjà partie et qui est dirigé
par un autre astronaute français Jean-Pierre
HAIGNERE.
Je
terminerai en souhaitant à tous deux un excellent
vol et díabord un bon entraînement. Celui-ci
a déjà commencé pour Claudie
ANDRE-DESHAYS à la Cité des étoiles.
Cíest díailleurs avec un grand plaisir que jíirai
la saluer lors de mon passage à Moscou au printemps
prochain et jíespère également pouvoir
saluer Philippe PERRIN à Houston sans doute
à líautomne prochain.